Nous entendons beaucoup parler ces derniers temps de l’attractivité particulière de l’Italie pour les impatriés. Toutefois, l’Italie n’est ni le premier pays d’Europe ni le seul à avoir mis en place ce type de régime attrayant : en voici quelques rapides exemples, montrant que la France n’est absolument pas en reste sur le sujet.
- L’Espagne
La Loi espagnole dite Beckham (décret royal 687/2005, « Régimen fiscal aplicable a los trabajadores desplazados a territorio español ») est le nom donné à un régime fiscal spécifique mis en place dès 2005, qui permet aux étrangers s’installant pour travailler en Espagne de payer un impôt fixe sur le revenu de 24 % sur leurs revenus espagnols s’ils ne dépassent pas 600.000 euros. Au-delà c’est 47%.
Adoptée en juin 2005, elle a reçu son surnom après que le footballeur David Beckham ait été l’un des premiers étrangers à en bénéficier. Ce régime spécial est très intéressant pour les cadres supérieurs et chefs d’entreprise étrangers.
Mais l’Espagne n’est pas le seul pays à connaître un régime d’impatriation.
- Le Luxembourg
Le Luxembourg dispose lui aussi un régime dédié aux personnes arrivant sur son territoire : sous conditions, le régime fiscal exonère d’impôt 50 % du salaire annuel brut total (à l’exclusion des avantages en nature et certains avantages en espèces) des impatriés éligibles, avec un plafond fixé à 400 000 euros par an.
- L’Italie
Depuis 2015, et après modifications en 2024, sous conditions strictes et récemment renforcées (cf. notre newsletter du 26 septembre 2024, disponible sur notre site, rubrique « actualités »), l’Italie propose aux travailleurs qui s’impatrient une exonération allant jusqu’à 50% de l’impôt sur le revenu (IRPEF), sous réserve que les revenus n’excèdent pas 600.000 euros. Cela ramène ainsi le taux d’imposition à environ 20 à 25%, contre potentiellement près de 50%.
Existe aussi, en parallèle de ce régime visant les travailleurs et chercheurs, un régime pour les retraités s’installant dans certaines villes du Sud de l’Italie (forfait à 7%, après prélèvement à la source dans l’État verseur et demande de crédit d’impôt en Italie), ainsi qu’un régime de forfait fiscal de 200.000 euros d’impôt sur revenus étrangers.
- La Belgique
Pendant près de 40 ans, la Belgique a attiré des travailleurs étrangers avec un régime spécial d’imposition des cadres étrangers, les « expats ». Environ 20.000 cadres et chercheurs bénéficiaient de ce régime jusqu’en 2022 d’un régime spécial d’imposition. En 2023, ce régime, qui était basé sur une circulaire administrative de 1983, fut remplacé par un régime pour « contribuables impatriés et chercheurs impatriés » intégré dans le Code des Impôts sur les Revenus.
Dorénavant, sous conditions, les coûts récurrents consécutifs à l’impatriation (coût de la vie ou coût du logement, par ex.) supportés par l’employeur pour le compte de l’impatrié ne sont pas imposables. Ces remboursements sont donc exonérés d’impôts et de sécurité sociale, dans la double limite de 30% de la rémunération brute et/ou 90.000 euros par an. Le remboursement des frais scolaires dans une école internationale, ainsi que les frais de déménagement et d’installation, peuvent être également remboursés en tant que frais propres à l’employeur, en sus de la limite des 30%.
- La Suisse
La Suisse a également mis en place un régime d’imposition forfaitaire sur la dépense (cf. notre newsletter du 19 juin 2025, disponible sur notre site, rubrique « actualités »).
- Le Royaume-Uni
Au Royaume Uni aussi, un régime fiscal de faveur existe pour les impatriés décidant de s’y installer. Après 200 années d’existence, le régime des « non-dom » vient toutefois d’être remplacé par le « FIG » (Foreign Income and Gain), recentré et nettement moins attractif que le précédent (cf. notre newsletter du 8 mars 2025, disponible sur notre site, rubrique « actualités »). Le résultat ne s’est pas fait attendre : nombre d’anglais décident de partir pour s’installer au soleil méditerranéen ou de passer la Manche et venir… en France, dont le régime est dorénavant plus attractif que son homologue anglais.
- La France
Mis en place en 2008, la France a codifié, à l’article 155 B du code général des impôts (CGI), son régime visant à attirer les travailleurs étrangers.
Sous conditions nombreuses et strictes (comme seule la France sait faire), l’impatrié éligible a le choix entre les deux options suivantes :
- Une exonération totale d’IR sur les éléments de rémunération directement liés à la situation d’impatriation : cela vise en particulier toute prime d’impatriation, frais de logement, égalisation fiscale et/ou sociale, frais de déménagement…. Ou :
- Sur option, il est possible de préférer une exonération forfaitaire de 30 % de la rémunération globale, sans qu’il soit besoin d’identifier précisément la part liée à l’impatriation.
Mais aussi, et c’est son un atout indéniable de notre système :
- Une exonération de 50% de la rémunération liée à l’activité exercée à l’étranger dans l’intérêt de l’employeur pendant la période d’impatriation ;
- Une exonération de 50% des dividendes et intérêts perçus à l’étranger est applicable ;
- Une exonération de 50% des plus-values de cession de valeurs mobilières (actions, parts sociales) étrangères s’applique également.
Et ce n’est pas tout. Au-delà du régime de l’impatriation stricte visée ci-dessus, d’autres avantages sont accordés aux nouveaux résidents Français, notamment :
- Les nouveaux résidents français bénéficient, pendant les 5 années suivant leur installation, d’une exonération d’IFI sur leurs biens immobiliers situés hors de France (article 964 du CGI) ;
- Les salariés impatriés peuvent bénéficier d’une dispense d’affiliation aux régimes français de retraite (base + complémentaire) pendant 3 ans, renouvelable une fois, sous certaines conditions (article L. 767-2 CSS) ;
- En cas de poursuite de l’affiliation sociale à l’étranger (notamment en cas détachement), les cotisations sociales versées à l’étranger (régime légal, retraite supplémentaire, prévoyance complémentaire) sont déductibles du revenu imposable en France ;
- Depuis 2016, les employeurs peuvent bénéficier d’une exonération de taxe sur les salaires sur la part de rémunération liée à l’impatriation (article 231 bis Q CGI).
Les conditions du régime d’impatrié sont néanmoins strictes et très encadrées par la loi et la jurisprudence. En synthèse, les conditions sont les suivantes :
- L’impatrié doit être salarié, dirigeant assimilé ou, sous conditions, non-salarié (dans ce cas, il convient de s’assurer que l’activité contribue au développement économique de la France et, pour les activités spécifiques, qu’un agrément préalable a été obtenu dans les délais) ;
- Il ne doit pas avoir été fiscalement domicilié en France au cours des 5 années civiles précédant celle de la prise de fonctions en France ;
- Domiciliation fiscale en France : l’impatrié doit établir son domicile fiscal en France au sens des a et b du 1 de l’article 4 B du CGI, c’est-à-dire y avoir son foyer (centre des intérêts familiaux et lieu d’habitation normale) ou lieu de séjour principal et y exercer son activité professionnelle principale ;
- Un système de double plafonnement existe : la prime d’impatriation augmentée des revenus issus des séjours à l’étranger ne peuvent excéder 50% de la rémunération nette globale et l’exonération de la part de rémunération correspondant à l’activité à l’étranger ne peut être supérieure à 20 % de la rémunération imposable du contribuable. De plus, la rémunération restant imposable doit être en adéquation avec la rémunération taxable des personnes exerçant des fonctions analogues. Là encore, ce point amène nombre de vérifications : il convient dès lors de valider les référentiels existants.
- Recrutement depuis l’étranger : seules les personnes recrutées directement à l’étranger par une entreprise établie en France sont éligibles. Cette condition est la plus sujette à contentieux, et la plus délicate à documenter en pratique. Dorénavant, les deux situations suivantes sont admises en pratique :
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- Le recrutement par mobilité intra-groupe. Il s’agit des personnes précédemment employées par une entreprise implantée à l’étranger et appelées à exercer une activité au sein d’une entreprise en France liée à la première. Concrètement, cela peut concerner la mutation d’un employé d’une société mère étrangère vers sa filiale établie en France.
- Le recrutement par mobilité extra-groupe. Il s’agit ici des personnes recrutées directement à l’étranger par une entreprise établie en France. Pour bénéficier du régime, il est important que la personne ne soit pas déjà en France. Il faudra ainsi apporter la preuve de la non-domiciliation fiscale en France.
Le régime d’impatriation s’applique jusqu’au 31 décembre de la 8e année suivant celle de la prise de fonctions en France.
Cas particuliers, tolérances et limites :
- Attention : les exonérations ne visent pas les prélèvements sociaux, qui restent dus (par exemple, pour les revenus de capitaux mobiliers étrangers, ces prélèvements s’élèvent à 17,20%. Ainsi, après exonération de 50% portant sur l’IR dû, l’imposition de l’impatrié est alors de 23,80%, contre un PFU de 30%).
- De même, ces exonérations ne visent pas la CEHR de 3 à 4%, lorsqu’elle est due par le contribuable ou le foyer.
- Des obligations déclaratives strictes et annuelles sont prévues.
- Une tolérance administrative permet, en cas de retard d’installation du foyer en France pour des raisons professionnelles ou familiales, de bénéficier du régime sous conditions, à condition que l’installation en France ait lieu au plus tard l’année suivant la prise de fonctions.
- Le régime n’est pas accessible aux fonctionnaires et agents de l’État en service à l’étranger qui sont domiciliés en France par l’application de l’article 4 B, 2 du CGI.
- Le cumul avec d’autres régimes d’exonération (quartiers généraux, centres de logistique, article 81 A du CGI) n’est pas possible : une option irrévocable doit être exercée.
Côté employeur, de nombreux chausse-trappes existent, tant au regard de la rédaction du contrat de travail et/ou de l’avenant prévoyant les avantages liés à la mobilité et à l’impatriation, que dans la rédaction d’une politique interne fiable et pérenne.
Ces régimes, parfois techniques, constituent de véritables leviers RH et fiscaux pour les entreprises qu’il y a lieu de saisir.
Ils sont également un atout stratégique et économique indéniable pour les pays qui les mettent en place.
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Notre cabinet accompagne très régulièrement des mandataires sociaux, des employés et des employeurs dans leurs démarches de mobilité :
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