Dans les décennies à venir, le monde s’apprête à vivre le plus important transfert intergénérationnel de richesse de l’histoire. Baptisé le « grand transfert de richesse » (the Great Wealth Transfer), ce phénomène inédit verra des actifs considérables passer aux mains des générations plus jeunes, redessinant ainsi les équilibres économiques.
À l’échelle mondiale, ce mouvement est estimé à plus de 25.000 milliards de dollars au cours des 15 prochaines années. Dans un tel contexte, organiser la transmission de son patrimoine n’est plus un simple acte de prévoyance, mais un enjeu économique, familial et juridique majeur.
Dans ce contexte, le « grand transfert de richesses » va assurément entraîner des effets fiscaux et juridiques très significatifs à l’échelle mondiale.
Pour être à même de bien gérer ces effets, il s’avère impératif d’anticiper, structurer et sécuriser ces transmissions.
Pour y parvenir, plusieurs instruments juridiques peuvent être mobilisés, seuls ou combinés, afin d’alléger la charge fiscale, d’assurer la continuité patrimoniale et de préserver l’avenir familial.
En France, la Fondation Jean Jaurès a estimé que ce transfert pouvait aller jusqu’à près de 9 000 milliards d’euros de patrimoine transmis dans les 20 prochaines années, en grande partie du fait du passage à la retraite des générations dites « baby-boomers ».
Les débats actuels qui ont lieu à l’Assemblée nationale (AN) dans le cadre du projet de Loi de Finances pour 2026 (PLF 2026) ne s’y trompent pas. La Présidente de l’AN a elle-même parlé d’argent « qui tombe du ciel » lors d’héritages qu’il faut « réformer », et de multiples amendements sont déposés par les différents partis politiques pour aménager le régime fiscal s’appliquant aux transmissions.
Pour mémoire, en France, le barème des droits de mutation à titre gratuit (droits de succession) est le suivant :
Ligne directe :
Part nette taxable après abattement Taux d’imposition
Jusqu’à 8 072 € 5 %
8 072 à 12 109 € 10%
12 109 à 15 932 € 15%
15 932 à 552 324 € 20%
552 324 à 902 838 € 30%
902 838 à 1 805 677 € 40%
Au-delà de 1 805 677 € 45%
Transmissions aux collatéraux (frères, neveux) entre 35% et 55%
Transmissions au profit de tiers (amis, associations, trusts..) 60%
Attention : les époux et partenaires (PACS) sont exonérés sur la part qui leur revient.
Pour les autres ayants-droits, seule la part leur revenant au-delà des abattements applicables est taxable aux taux mentionnés, soit au-delà de :
- 100 000 € par enfant
- 31 865 € entre grands-parents et petits-enfants
- 5 310 € envers les arrières- petits-enfants
- 15 932 € pour les frères et sœurs
- 7 967 € envers les neveux et nièces
- 1 594 € pour les personnes non parentes ou plus éloignées.
Toutefois, d’après les études faites sur le sujet jusqu’à présent, plus de la moitié des Français héritent de moins de 70.000 euros et ne supportent pas ou presque aucune fiscalité à l’occasion de la transmission.
Ainsi, contrairement à l’impôt sur le revenu, les charges sociales, la TVA ou les impositions grevant les sociétés, cet impôt concerne donc en réalité une large minorité.
Avec l’évolution du marché immobilier notamment, ce faible montant de transmission moyenne devrait rapidement changer dans les années à venir. Le CAE souligne que la part de la fortune héritée est en train d’atteindre environ 60 % du patrimoine total, contre environ 35 % dans les années 1970.
Ce transfert s’ajoute à une concentration significative du patrimoine : les 10 % les plus riches détiennent plus de la moitié du patrimoine national.
Sur le plan juridique et fiscal, la multiplication des donations, des opérations de structuration et la mobilité internationale des personnes et des biens, complexifie les schémas de transmission.
Des enjeux fiscaux majeurs :
- Avec de telles sommes à transmettre, l’optimisation fiscale est de mise (réductions d’impôt, organisation patrimoniale, donations anticipées, assurances vie, pactes successoraux) et se développe encore davantage. Les donateurs et héritiers devront envisager sérieusement la structuration du patrimoine pour améliorer l’efficacité de la transmission.
- Pour les transmissions d’entreprises familiales, le défi est double : assurer la continuité de l’entreprise tout en traitant fiscalement la transmission. Un allègement ou des dispositifs incitatifs sont souvent mis en place (par exemple le Pacte Dutreil). Ces dispositifs sont essentiels à la pérennité de notre économie.
- Incitée par l’état des finances publiques, l’administration fiscale a déjà et va assurément renforcer et automatiser ses contrôles, ainsi que moderniser les dispositifs de suivi des donations et successions internationales.
- Les enjeux sont également internationaux : la mobilité des personnes et des patrimoines rend les transmissions plus complexes à appréhender pour les administrations fiscales. Pour les personnes ayant des biens, des intérêts ou une résidence à l’étranger, la coordination fiscale et successorale internationale devient un enjeu majeur.
Des enjeux juridiques structurants :
- Juridiquement, les règles de réserve héréditaire, d’abattements, de part successorale devront être bien respectées.
- Le recours à des mécanismes comme l’assurance vie, pour transmettre en dehors de la succession « classique », continuera d’être prégnant.
- Le patrimoine transmis n’est plus seulement mobilier ou immobilier, mais de plus en plus varié (entreprises, portefeuille, actifs immatériels). Cela a pour effet de complexifier l’évaluation, la taxation et la transmission.
- Les successions d’entreprises, par exemple, posent des questions de gouvernance, de continuité, de valorisation de l’actif et de partage entre héritiers. Cela peut engendrer des tensions juridiques internes aux familles (disputes successorales, conflits entre héritiers) et une attention accrue des pouvoirs publics à la protection des héritiers « plus modestes ».
Des enjeux financiers cruciaux pour l’État et les pouvoirs publics :
- L’entrée massive de patrimoines dans les transmissions ouvre une opportunité de recettes fiscales d’une particulière attractivité.
- Cette transmission volumineuse entraîne également un risque pour les États de contournements ou d’optimisation de la part des contribuables.
- Les pouvoirs publics peuvent être poussés à réformer : simplification des dispositifs, renforcement de la progressivité, réduction des niches fiscales liées aux donations/transmissions.
- Les diverses réflexions et tentatives de réformes constituent la démonstration évidente de ces trois points.
Tentatives de réformes en cours :
- La proposition de loi n° 710 (2018-2019) du Sénat « visant à adapter la fiscalité de la succession et de la donation aux enjeux démographiques, sociétaux et économiques du XXIᵉ siècle » et les diverses Commissions ayant vocation à réfléchir à une réforme d’ampleur en matière de fiscalité des successions en France n’ont pas abouti.
- Le Pacte Dutreil est sans cesse attaqué : au moins 25 amendements visant à le réformer ont été déposés depuis le début des débats relatifs au PLF 2026, certains ayant été adoptés à ce stade.
- Le PLF contient à ce jour diverses propositions de réformes, notamment :
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- La création d’un abattement de 31 865 € pour les enfants et petits-enfants de conjoint
- Le doublement de l’abattement pour frères/sœurs, oncles/tantes, neveux/nièces
- Le rehaussement de la tranche marginale à 47 % au-delà de 3,6 M €
- Diverses modifications du régime du Pacte Dutreil.
Pistes de réflexion pour vos transmissions :
- Réaliser un audit patrimonial pour savoir quel patrimoine sera transmis (immobilier, valeurs mobilières, entreprise), à qui et à quel coût.
- Anticiper la fiscalité selon les scénarii : donation à titre gratuit, transmission par succession, vente aux héritiers, etc.
- Prendre en compte la dimension internationale (résidence fiscale, biens à l’étranger, impact des conventions internationales éventuelles, multi-résidents…).
- Ne pas négliger les aspects juridiques : rédaction de pactes, respect de la réserve héréditaire, choix du régime matrimonial, etc.
- Penser aux donations trans- générationnelles, aux opérations de structurations patrimoniales permettant de préserver le patrimoine et préparer les bénéficiaires des biens détenus.
- Préparer la transmission et la gouvernance future des entreprises et des biens professionnels.
- Pour être accompagné dans ces réflexions, n’hésitez pas à nous contacter via la rubrique « contact » de notre site web.